Jean Guillou (1930-2019) - un hommage hollandais
Jean Guillou (1930-2019), composer, organist, pianist
Jean Guillou fut l’un des organistes français les plus influents de la période post-Dupré. On a beaucoup écrit sur sa polyvalence. Un fil conducteur frappant dans la vie de Jean Guillou était sa relation avec la culture de l’orgue néerlandaise et vice versa.
Herman van Vliet s’est engagé toute sa vie dans la culture de l’orgue française et a étudié avec Jean Guillou. Entre eux naît une collaboration décisive tant pour Guillou lui-même que pour Herman van Vliet et son label Festivo.
Sur ce site, vous pourrez découvrir les fruits de leur collaboration qui a duré de 1978 à 1983 : les tournées de concerts de Jean Guillou aux Pays-Bas qui ont émerveillé tout le monde et les publications du Festivo qu’Herman van Vliet et son épouse ont organisées pour Guillou. Ces productions ont connu une renommée internationale et ont remporté des prix, comme le Grand Prix de l’Académie Liszt de Budapest.
A l’occasion du cinquième anniversaire de la mort de Jean Guillou, toutes les éditions Guillou du Festivo sont mises en ligne en hommage. De plus, sur ce site, vous trouverez des informations provenant des archives d’Herman van Vliet sur Jean Guillou, telles que des livrets de programme, des critiques, des chroniques, des photos et bien plus encore.
Trois organistes néerlandais, Bert den Hertog, Jos van der Kooy et Dirk Jan Versluis, ont écrit une contribution spécialement à cette occasion. Vous le trouverez sous l’onglet ‘Les Organistes à propos de Guillou’.
La première édition du Festivo avec Jean Guillou paraît le 14 décembre 1978 : « Jean Guillou en Concert I ». Avant cela, Guillou était chez Philips, où étaient par exemple publiées ses improvisations épiques sur l’alunissage (Visions Cosmiques), mais Philips n’était plus très intéressé par l’édition de musique pour orgue dans les années 1970. Il en va de même pour Herman van Vliet, qui décide alors de prendre les choses en main et commence à publier des LP chez Festivo à partir de 1971.
Ci-dessous la discographie de Jean Guillou sur Festivo avec la date de sortie. Bert den Hertog a écrit une explication détaillée sur ces enregistrements.
1. Festivo Criterium 501: Jean Guillou in Concert 1 – 14 decembre 1978
2. Festivo Criterium 502: Jean Guillou in Concert 2 – 26 juillet 1979
3. Festivo Criterium 503: Jean Guillou in Concert 3 – 24 juin 1980
4. Festivo Criterium 504: Liszt by Jean Guillou – 6 avril 1981
5. Festivo Criterium 505: Jean Guillou St Bavo Haarlem – 29 juillet 1981 (enregistrement 29-11-1980)
6. Festivo Criterium 506: Dupré par/by Jean Guillou – 19 novembre 1981
7. Festivo Criterium 507: Das Musikalische Opfer 30 juillet 1982 (enregistrement 1-12-1980 incl Trumpet Tune Purcell pour 505)
Après la « Das Musicalische Opfer », une réflexion mutuelle a eu lieu sur la suite. Les Pays-Bas se dirigeaient vers une récession à laquelle le premier cabinet Lubbers dut faire face en 1982. De plus, avec ses nombreuses productions, on avait l’impression que Festivo était une grande entreprise. Divers LP sont également sortis avec Michelle Leclerc et Daniël Roth et d’autres organistes, dont Herman van Vliet lui-même, qui fait sensation le 5 janvier 1982 avec un LP entièrement consacré aux musiques inédites de J.G. Bastiaans, le Néerlandais Mendelssohn. Mais malgré les nombreux LP sortis (et plus tard les CD), Festivo a toujours été composé de deux personnes : Herman van Vliet et sa femme Lieke, qui étaient toujours en contact direct avec tous ceux qui contribuaient, de l’artiste au photographe, du parolier à l’imprimerie. Dans la mesure du possible, ils s’en sont occupés eux-mêmes. Cela a permis à la qualité d’être élevée avec des quantités modestes.
Cependant, Jean Guillou envisage d’enregistrer une intégrale de Bach, ce qui met fin à la collaboration entre Festivo et Jean Guillou. Cela a également eu des conséquences sur les activités de la fondation pour la promotion de l’art de l’orgue, qui manquait d’un promoteur important. En outre, pour les autres concerts, la fondation ne pouvait plus compter sur un important animateur de foule, à savoir Feike Asma (1912-1984). Cela signifie qu’aucune tournée majeure n’est organisée avec Guillou à partir de 1983. Il continue cependant à se rendre régulièrement aux Pays-Bas pour donner un concert, par exemple sur l’orgue Van den Heuvel de Katwijk, achevé en 1983. Cela conduit à la construction de l’orgue de Saint-Eustache. Vous pouvez également consulter un certain nombre de programmes des années suivantes sur ce site.
Le premier concert de Jean Guillou aux Pays-Bas a eu lieu au Concertgebouw en 1970. Herman van Vliet y a probablement assisté, car il a conservé le programme, vous pouvez le retrouver ici. Au cours des années suivantes, Guillou se produit occasionnellement aux Pays-Bas, mais le point culminant de sa période néerlandaise se situe entre 1978 et 1983, lorsqu’il effectue une tournée des orgues importants des Pays-Bas. Ces séries de concerts étaient organisées par la Fondation pour la promotion de l’art de l’orgue. Son président était Jan de Bruijn, ami d’enfance d’Herman van Vliet. Cette fondation existait depuis un certain temps et avait contribué à la renommée d’Herman van Vliet aux Pays-Bas et avait également organisé un concert avec Guillou : le 24 septembre 1976 au St Bavo de Haarlem et en 1977 dans la salle de concert de Rotterdam « De Doelen » . Le thème de l’improvisation avec lequel Guillou terminait souvent ses concerts a été fourni par Feike Asma pour le concert de 1976 et a été conservé dans les archives.
Ainsi, en 1978, une véritable tournée est organisée, composée de six concerts en huit jours, à travers le pays. Une sélection des enregistrements live de cette tournée a été publiée par Festivo sur un LP qui a été rapidement nommé « Disque de l’année » au Royaume-Uni, après quoi deux autres LP ont été publiés avec des enregistrements live de concerts de ces tournées. Pour en savoir plus, consultez la contribution de Bert den Hertog sur ce site.
Huit concerts furent organisés en 79 et six encore en 80 et 81. La dernière tournée organisée par la Fondation pour la Promotion de l’Art de l’Orgue en 1982 comprenait cinq concerts.
Vous trouverez ci-dessous les livrets de programmes et les flyers des tournées de concerts de ’78 à ’82.
Vous trouverez ici une série de critiques recueillies par Herman van Vliet. Il s’agit de critiques de publications du Festivo aux Pays-Bas et dans d’autres pays et de concerts que Guillou a donnés aux Pays-Bas.
Le texte exubérant annonçant les tournées a incité le célèbre chroniqueur Bert Klei à écrire une chronique très spirituelle dans le journal Trouw, dans laquelle il se moque avec amour et d’une manière inimitable de cet enthousiasme.
Dans les critiques des concerts en particulier, la lutte entre certains critiques est perceptible après tant d’années. La virtuosité était toujours incontestable, même si un jeu parfait n’était pas un objectif pour Guillou, et Guillou ne manquait pas non plus de vision, d’art ou de musicalité, mais bon…
Vous pouvez lire dans les critiques quel impact Guillou a eu sur les auditeurs de l’époque !
Les archives d’Herman van Vliet contiennent un certain nombre d’enregistrements live de Guillou sur des orgues néerlandaises. Pour certains enregistrements, on ne sait pas exactement où ils ont été enregistrés et seule la date est connue. Mme Guillou-Varga a aimablement donné son autorisation pour cette publication afin de vous faire plaisir en tant qu’amateur d’orgue. La liste est la suivante:
1977-10-29: De Doelen Rotterdam
1978-08-04: Bavokerk Haarlem
1978-08-05: Laurenskerk Rotterdam
1979-12-26: Bavokerk Haarlem: Kerstconcert
1980-07-03: Grote kerk Breda, Domkerk Utrecht
1982-08-02: Grote kerk Leeuwarden
2000-05-12: Laurenskerk Rotterdam
Jean Guillou a surpris le monde de l’orgue avec sa version syncrétique du B.A.C.H. de Liszt, prenons par exemple sa performance live à Notre-Dame de Paris en 1977. Au moins aussi bouleversant est son enregistrement sur l’orgue de l’Alpe d’Huez qu’il a conçu et construit par Kleuker. Cependant, du point de vue de la disposition, l’instrument est comparable à l’orgue de chœur de Notre-Dame ! La taille n’a pas toujours d’importance. L’Académie Liszt de Budapest a décerné à cet enregistrement un « Grand Prix ». Le rapport du jury peut être consulté ici, ainsi que la correspondance avec l’Académie.
Ce n’était pas une tâche facile de recevoir le prix. Jean Guillou et Herman van Vliet avaient tous deux prévu des concerts et Lieke van Vliet dirigeait un magasin de disques et une jeune famille. Rappelons qu’en 1982 la Hongrie faisait encore partie du Pacte de Varsovie (1955-1991) et que le rideau de fer n’était certainement pas encore tombé. Heureusement, le ministère des Affaires étrangères a voulu se faire les honneurs. La correspondance à ce sujet donne une belle image de l’époque, tout comme le rapport de la direction de l’information de BUZA sur la réunion “à laquelle ont participé de nombreuses personnalités de la vie musicale hongroise”, selon le premier secrétaire de l’ambassade sur place. Sur ce site vous trouverez également une série de photos d’un rassemblement festif de dames et messieurs Guillou et Van Vliet à Paris où la remise du prix a été célébrée.
Herman van Vliet était connu pour sa préférence pour la musique d’orgue franco-romantique et a énormément contribué à la diffusion de cette musique, tant par ses propres performances que par les publications du Festivo. Lui et Festivo ont reçu plusieurs prix pour cela. Une telle chose ne se produit pas tout seul. Après avoir terminé sa formation au conservatoire, il souhaitait se développer davantage, de préférence avec Jeanne Demessieux, mais cela n’a malheureusement pas été possible en raison de son décès prématuré. Heureusement, l’occasion se présente de prendre des cours avec un autre élève désormais célèbre de Dupré, soit Jean Guillou, qui donne des cours d’été à divers endroits. Herman van Vliet a participé à trois reprises à un tel cours.
Lorsqu’on lui a demandé quelle était la chose la plus importante qu’il avait apprise de Guillou, Herman van Vliet a mentionné deux choses. La première était la question : « Sind Sie überzeugt ? », car ils se parlaient en allemand. Guillou a posé cette question pour vérifier par vous-même si vous soutenez réellement votre opinion sur la façon dont vous souhaitez jouer le morceau, et tous les choix musicaux que vous y avez faits et souhaitez donc le faire entendre. Une partition ne se joue pas toute seule. La seconde concernait l’influence de la façon dont vous exécutez des figures rythmiques par rapport à la mesure, que vous façonnez également en conséquence, ce qui est quelque chose de complètement différent de « jouer dans le temps ». Il fait spécifiquement référence aux leçons de Guillou sur les Esquisses de Schumann. Herman a joué cela au programme du concert étudiant de 1979.
Vous pouvez regarder les programmes et vous y verrez également d’autres noms célèbres. D’ailleurs, un tel voyage à l’époque sans Internet, sans frontières ouvertes et sans euro nécessitait beaucoup de préparation, comme en témoignent les nombreux documents d’archives, dont même un plan d’itinéraire manuscrit des chemins de fer néerlandais !
Les vues musicales de Jean Guillou ne se limitent pas à l’art de l’interprétation ou de l’improvisation, mais conduisent également à la formulation de ses principes de facture d’orgue dans son livre bien connu « L’Orgue : Souvenir et Avenir ». Les éditions du Festivo avec Liszt et Dupré ont été enregistrées sur le nouvel orgue à bien des égards révolutionnaire de Notre Dame des Neiges à l’Alpe d’Huez en France construit par Kleuker selon un projet de Guillou. Parcourez les différents documents d’archives sur les orgues Guillou.